L’image du mouvement intellectuel des Lumières qui remettrait en cause le droit de punir des siècles précédents, doit être nuancée. Philosophie et histoire sont convoquées pour savoir comment on pense la peine au XVIIIe siècle. L’histoire de la justice permet de se pencher sur la diversité des systèmes judiciaires européens et d’observer l’évolution de leur « rigueur » dans les discours normatifs et les pratiques pénales. Quant à l’histoire de la philosophie, revenant notamment sur Foucault, elle renoncera à présenter la pensée pénale des Lumières comme indistinctement humaniste, et ses adversaires comme unanimement hostiles à des vues utilitaristes. Les questions qui persistent dans la réflexion pénale contemporaine – fondements politiques du droit de punir, finalité rétributive ou dissuasive de la peine, débat sur la légitimité et l’utilité de la peine de mort –, peuvent ainsi être revisitées dans leur genèse historique et conceptuelle. Montesquieu et Beccaria sont pris ici comme figures classiques de la philosophie pénale des Lumières, mais le propos de ce volume est aussi d’ouvrir le questionnement à des auteurs peu connus en France, comme Francesco Mario Pagano (1748-1799) et Gaetano Filangieri (1753-1788), ainsi qu’à des contextes européens peu balisés, comme les espaces helvétique et roumain.